Le cuir dans tous ses états

Le cuir Boutique Bordeaux Le Psyché d'Holly

On a tous ou on se doit tous d’avoir notre perfecto en cuir noir, un indispensable, un incontournable basique, symbole de séduction et de sensualité.

La main de l’Homme et son savoir-faire artisanal permettent de transformer cette matière noble, en œuvre d’art.

Résistant et agréable au toucher, le cuir est prisé dans les industries du textile, évidemment, mais aussi de la décoration intérieure ou de l’automobile par exemple.
L’industrie du cuir est l’une des plus anciennes de l’histoire de l’humanité, et aujourd’hui son usage principal est consacré aux chaussures et ensuite au textile.
L’expertise de l’artisanat français notamment, permet de le trouver dans de nombreuses créations de luxe.

Bon, on va rentrer dans le vif du sujet parce qu’il s’agirait de ne pas être trop chiant sinon on va en perdre en route … Se reconnaîtra qui voudra 😜.

Nous allons donc vous expliquer comment il est fabriqué, quelles peuvent être les répercutions de sa fabrication, ses alternatives si vous n’aimez pas, et nous vous donnerons des petits conseils d’entretien et de nettoyage.

Le cuir à toutes les sauces quoi … 

Nous allons vous expliquer ici, les étapes obligatoires entre l’achat de la peau par le tanneur, et l’utilisation de celle-ci par le fabricant de chaussures ou de vêtements par exemple. 

Avant l’achat par le tanneur, la peau fraîche est salée pour éliminer l’eau. Cette action est réalisée à l’abattoir, car les peaux utilisées sont issues de l’addition d’un sel de mine et d’antiseptique dans une pièce maintenue à 10°C avec un taux d’humidité entre 70% et 90% pour permettre à la peau de perdre 10% de son poids. Ce processus dure 2 semaines.
Les peaux sont ensuite triées en fonction de leur épaisseur, de leur poids et de leurs défauts notamment si elles présentent des cicatrices car celles-ci fragiliseront la pièce qui en comportera. 

Ensuite, le tanneur vient sélectionner les peaux qu’il désire.
En France, en 2008, une peau brute valait 1€ du kilo. En 2020, elle vaut près du double …

On démarre avec le reverdissage ou travail de rivière qui comporte 5 opérations:

  • La trempe (ou reverdissage): on réhydrate et on dessale la peau. On en profite pour retirer les impuretés et tâches éventuelles. On met la peau dans un volume d’eau égal à près de 5 fois son poids. Jadis cette étape se faisait dans le lit de la rivière d’où son nom;
  • L’épilation (ou pelanage): pela quoi ? … 🤨 Eh oui le pelain, c’est un bain à base de chaux qui provoque le relâchement des poils;
  • L’écharnage: place à l’écharneuse, cette machine va ôter le tissu sous-cutané;
  • Le confitage: pour finir de nettoyer la peau et éliminer l’élastine, on utilise des enzymes comme la trypsine;
  • Le décapage (ou picklage): après toutes ces opérations, la peau est putrescible, on va réduire son pH et la saler avant le tannage.

Place au tannage. A cette étape, la peau devient cuir, la matière putrescible et sensible à l’eau chaude devient imputrescible et résistante.

Trois familles de tanins existent:

  • ⛏ Les minéraux, on utilisera par exemple de l’aluminium, du fer ou de l’alun;
  • 🌱 Les végétaux, l’écorce et le bois de certains arbres comme le sumac, le mimosa, le châtaignier ou le chêne par exemple – pas d’usage de chrome mais ce traitement est plus long et plus coûteux.
  • 🧪 Les chimiques, cette dernière technique est un processus de trempage dans près de 200 réactifs chimiques.

Maintenant c’est le moment du corroyage, c’est la préparation du cuir à son usage final, encore un sacré boulot, c’est pas fini … Le cuir est égoutté, essoré pour être trié selon les défauts et l’épaisseur.

Ensuite, c’est le fendage, autrement dit la séparation du cuir en deux feuilles, le côté fleur d’épaisseur uniforme et le côté chair appelé aussi croûte. Cette opération permet ainsi d’égaliser le cuir en épaisseur.
Ensuite, le palissonnage consiste à l’étirer afin de l’assouplir et le meulage ou ponçage lui permet de modifier l’aspect de ses surfaces.
Puis, le lissage est effectué sur le côté chair du cuir, il va rendre cette surface lisse et brillante.
L’
impression, quant à elle, permet d’imprimer des grains artificiels au moyen d’une plaque gravée (le fameux cuir grainé …on l’adore).
La teinture, vous vous en doutez bien, c’est l’étape où on colore le cuir.
Le foulage, non on ne parle pas de la cheville ! Mais bien du moment qui consiste à faire absorber au cuir des quantités de matières grasses afin de garder de la souplesse.
Et les avant-dernières étapes, le filage, qui permet d’obtenir un cuir plat, le séchage (ou mise au vent) qui permet d’obtenir un cuir sec et l’enroulage ou liégeage qui permet au cuir, une fois mis sur un pli, de le rendre plus souple.

Ouf ! On arrive au bout ! … Quel travail ! 🥴

C’est l’heure du finissage. 3 options s’offrent à nous.
Quoi qu’il arrive, c’est le moment de donner à la surface du cuir un aspect brillant et de lui assurer une bonne résistance à l’eau.
Cette étape a pour but d’uniformiser les cuirs issus d’une même production.

Donc au choix, on va distinguer le finissage aniline, semi-aniline ou pigmenté.

La finition à l’aniline met en valeur la surface du cuir en le recouvrant d’un produit transparent. C’est un cuir qui a un très bel aspect, mais qui nécessite un soin particulier car la couleur prend sa patine au fil temps.
Cela veut dire qu’entre le bain de teinte et l’usage, la couleur changera, on adore 😍. Bien que nous nous acharnions à maintenir l’uniformité, ça n’est pas toujours possible et franchement parfois c’est même plus charmant.

Le cuir semi-aniline est recouvert d’une couche de pigment légèrement opaque et d’une couche de produit translucide, ce qui permet de cacher les petits défauts mais cette finition aussi prendra sa patine au fil temps et sa couleur changera.

Et enfin le cuir pigmenté, lui est uniquement recouvert d’une couche de pigment opaque. Il est facile à entretenir et peu sensible à l’eau.

En France, on travaille essentiellement avec de la peau de vache et de veau.
En général, dans le monde, la vache est largement utilisée en raison de son abondante provenance due à la consommation de viande mais il existe évidemment une multitude de cuir, on vous en cite quelques-uns.

Pour les plus ”communs”:

  • Les cuirs d’agneau et de veau lisses et délicats sont utilisés pour leur finesse et leur souplesse.
  • De mouton est, quant à lui, plus épais que l’agneau et avec un grain plus prononcé et un coût plus bas.
  • De vache, dont on a déjà parlé, est lisse et épais.
  • De chèvre, peu onéreux aussi, est fin mais  très résistant et a un aspect légèrement granuleux.
  • Dans le genre épais, très résistant, poreux et léger, c’est indéniablement le cuir de porc.
  • Un faible pour le cuir de buffle, il est naturellement grainé, souple et très résistant. 
  • Pour des grains grossiers seront choisis l’autruche et le chevreuil.


Dans la catégorie des plus onéreux ou moins utilisés:

  • Le cuir d’antilope qui est souple et fin.
  • Le cuir haut de gamme du requin, rare, imperméable, rigide et résistant.
  • Les cuirs de reptiles évidemment grainés de manière naturelle comme les crocodiles, alligators, lézards, cobras, pythons; beaucoup d’imitation de ces cuirs sont créés avec une impression sur cuir de vache car haut de gamme et très chers sans parler du volet préservation des espèces.

Selon les techniques de transformation utilisées, le cuir reçoit différents noms, il en existe une multitude, en voici quelques-uns:

  • Brut, bleu ou mou… Lorsque le cuir est brut, il s’agit de la dépouille de l’animal, issue de l’abattoir donc non tannée.
    ⚠️ abus de langage !! On a dit quoi plus tôt ? Une peau devient cuir après tannage, dans ce cas là, on parlera de peau brute; cela dit il existe du cuir brut …

    Le galuchat est un cuir brut de raie créé par Jean-Claude Galluchat, maître gainier de Louis XV, qui habillait de cette peau les objets les plus rares comme les coffres et malles ou autres poignées d’épées;
  • Pleine fleur, réalisé avec la partie supérieure de la peau et en gardant son épaisseur d’origine, la partie visible est la partie côté poils, la plus noble et la plus résistante et si on diminue son épaisseur il devient ”cuir fleur sciée”;
  • Le nubuck, c’est un cuir dont la surface a été gratté, réalisé à partir d’un cuir pleine fleur ou d’un cuir fleur sciée pour lui donner un aspect velouté;
  • Velours ou façon daim ou suédé est issu, lui, de l’intérieur de la peau, plus fragile que le nubuck mais plus doux au toucher;
  • La croûte de cuir, c’est la partie inférieure de la peau, le côté chair, la moins noble et la moins chère. D’ailleurs, elle est souvent enduite de vernis ou de polyuréthane et imprimée pour imiter un cuir pleine fleur;
  • Vernis, c’est une peau corroyée autrement dit qui est plongé dans de l’eau et foulée au pied, avant d’être enduite d’un corps gras, afin d’en augmenter la souplesse; On applique, ensuite, plusieurs couches d’un mélange de craie en poudre, de noir de fumée et d’huile siccative, une matière grasse qui se transforme en une pellicule solide quand elle est étalée en couche mince et exposée à l’air.
    Puis, on enduit d’un vernis. Autrefois l’huile de lin était utilisée mais aujourd’hui trop coûteuse et plus compliquée à entretenir. La finition sera brillante contrairement au polido qui sera glacé;
  • Le cuir de Russie, c’est un cuir tanné à l’écorce et la face arrière est travaillée avec de l’huile de bouleau. C’est un cuir solide, souple et étanche de jeune vache et bien entendu fabriqué en Russie;
  • Le cuir gras, il va être souple, résistant et imperméable grâce à son traitement d’immersion dans l’huile;
  • Le maroquin ou cuir marocain est un cuir de chèvre tanné au sumac ou à la noix de galle, il est beaucoup utilisé par les relieurs;

La démocratisation du cuir et les réglementations importantes notamment à propos des solvants interdits en France augmentent les coûts et posent un gros problème de concurrence pour le cuir français.
L’usage du mercure pour fixer la couleur, par exemple, accélère le tannage et est moins onéreux pour la fabrication d’une pièce. Cependant, vu sa toxicité pour l’environnement, il est interdit en Europe depuis plus de 20 ans.
Toutefois, la réglementation n’est pas la même en fonction des pays et l’Asie se pose désormais, en maître dans la fabrication à bas coût du cuir MAIS, du coup, non sans conséquences !

Niveau environnement : un fleuve en saison sèche près des tanneries voit la population de ses poissons réduite à néant; moins c’est cher plus, il y a de chimie …

Niveau social: un ouvrier dans une tannerie, c’est 12h par jour minimum, sans jour de repos dans l’année, pour 30€ par mois …

Alors oui en France, c’est “cher”, mais on sait pourquoi …
L’important est de choisir des cuirs de qualité, fabriqués dans le respect des normes, des travailleurs et de la planète. Des pièces en cuir européens, au mieux français, et dans tous les cas, pas “bon marché”…
Si le cuir est discuté pour ses conditions de fabrication et son impact environnemental (plus important qu’un textile synthétique), sa durabilité est plus importante dans le temps et lui donne un avantage majeur.

Cependant, aujourd’hui, d’autres options se développent en substitut au cuir animal, dans le but essentiellement de préserver les espèces. On trouve notamment:

Les « cuirs » végétaux, ou par anglicisme ”cuirs organiques”.
Attention, en France, un décret de 2010 interdit l’emploi du mot “cuir” dans la dénomination commerciale de tout produit ne provenant pas d’une peau animale.

  • 🌵 Adrian Lopez et Marte Cazarez ont créé le cuir de cactus, un simili-cuir obtenu à partir du figuier de barbarie;
  • 🍎 Le Frumat, un simili-cuir issu de la transformation de la pomme;
  • 🍍À Londres, sa créatrice, Dr Carmen Hijosa, l’a présenté pour la première fois dans le cadre de sa soutenance de thèse au Royal College of Art. Le Piñatex est un simili-cuir issu de feuilles d’ananas, c’est un tissu imperméable et résistant qui ressemble au cuir, il peut être teint et peut être obtenu dans différentes textures et épaisseurs. Il faut 16 fruits pour confectionner 1m², il est également peu coûteux et respectueux de l’environnement;
  • 🍇 Le cuir de vigne est fabriqué à partir de résidus de peaux, de tiges et de graines provenant de l’exploitation du raisin;
  • 🍄 Le MuSkin aussi, lui est fabriqué à partir de la peau de champignon;
  • le cuir d’hévéa, fabriqué à partir de latex, la sève de l’hévéa;
  • 🌿 La designer Suzanne Lee a développé un cuir fabriqué à partir des celluloses récupérées dans le thé Kombucha.

Le Frumat, le MuSkin et le Piñatex sont agréés par PETA UK.

Le “cuir” synthétique, également appelé skaï, est une matière plastique semblable au cuir, généralement constituée de polyamide, emprisonnée dans une résine telle que le polyuréthane. Il ne contient donc aucune fibre animale. 
Il est utilisé dans de nombreux articles (chaussures, porte-clés, étuis …) en raison de son aspect esthétique, de sa résistance aux agressions extérieures et surtout de son prix bien moins coûteux que le cuir.

Alors voilà, nous espérons vous avoir appris quelque chose !

En bonus, voici quelques expressions qui piquent leur origine au cuir 😋.

Tanner quelqu’un, c’est le harceler de demandes, lui casser les pieds quoi, pour rester dans le thème 😅.
Par contre, tanner le cuir de quelqu’un, c’est le battre. 

Avoir le cuir épais, c’est être insensible.

Réduit en peau de chagrin, c’est quelque chose qui se réduit peu à peu.

MAIS la peau de chagrin désigne la peau de la croupe de l’âne qui servait jadis à la couverture et à la reliure des livres et pour le point culture c’est le titre d’un roman de Honoré de Balzac 😉.

Une tannée, c’est une défaite humiliante.

Un Rond de cuir est un employé de bureau.

Pousser mémère dans le pelain … ah non c’est pas ça !… 🤣

Voilà… Voilà…

Pour clôturer cet article et illustrer tout ce qu’on vous a raconté plus haut, on citera le prédicateur Jean Geiler de Kaysersberg, et on comprendra pourquoi …